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Souvenirs de guerre 1914-1918
d'Auguste Liégeois

Le 25 juillet 1914, les garnisons sont consignées. Les 28, 29 et 30 juillet, les effectifs des troupes de couverture sont renforcés, par appel des réservistes et rappel des permissionnaires.

Le 31 juillet, à 17 heures, ordre est donné par le Ministre de la guerre, de mettre en place la couverture pour les seules troupes d'active. Les troupes devaient se trouver 10 km en arrière de la ligne frontière pour éviter tout accrochage entre patrouilles françaises et allemandes.

Le 1er août, à 5 heures du matin, le 147ème Régiment d'Infanterie s'embarque à Sedan, à destination de la région de Marville. Auguste LIEGEOIS est sergent à la 6ème Compagnie du 2ème Bataillon de ce régiment.
Le 147ème R.I. fait partie de la 4ème Armée (Général Langle de Carry), 2ème Corps d'Armée (Général Gérard), 4ème Division (Général Rabier), 7ème Brigade (comprenant le 91ème R.I. et le 147ème R.I.) la 87ème Brigade (comprenant les 9ème et 18ème Bataillons de Chasseurs à pieds et le 120ème R.I.)

La division est placée en arrière de la Crusne, entre Montmédy et Marville. L'objectif désigné est Florenville en Belgique. Sur la position d'attente sont mis en place ou construits les moyens de défense, principalement des abris, des emplacements de postes de mitrailleuses, etc. Ces travaux sont dirigés par le Lieutenant Rigaux.

Le dimanche 2 août, à 17 heures 30, en raison de plusieurs violations de frontières, les troupes reçoivent l'ordre formel de na pas franchir la frontière. C'est le premier jour de la mobilisation.
Le 3 août, l'Allemagne déclare la guerre à la France. Les Allemands entrent en Belgique le 4 et lui déclarent la guerre.

Le 10 août, le 147ème R.I., commandé par le Colonel Perreau, reçoit le baptême du feu à Virton. Il a devant lui la 5ème Armée du Kronprinz Impérial.
Après quelques succès de flanc garde à Robertmont, Bellefontaine, Houdrigny (21 août), Meix-lès-Virton, le régiment reçoit l'ordre de faire retraite sur Montmédy et Stenay. Pour éviter l'encerclement, le Général Joffre, commandant en chef, ordonne le repli vers la Marne. Fort éprouvée sur la Semois, la 4ème Armée s'est ressaisie et recule en bon ordre, tout en tenant tête à l'assaillant.
Les 25 et 26 août, après deux jours de retraite pénible, toute la 4ème Armée s'installe derrière la Meuse, entre Mézières et Stenay. Le 147ème R.I.  était aux environs de Stenay. La tâche est de tenir l'Argonne, position qui commande l'unique voie ferrée permettant le ravitaillement de Verdun.
Sous la poussée violente et continue des Allemands, la retraite se poursuit. Le 147ème R.I. traverse Stenay et se dirige vers Cesse, d'où il déloge l'ennemi qui se replie sur la Meuse. C'est à Cesse qu'Auguste LIEGEOIS rencontre son beau-frère Albert LALOY, brancardier à la Brigade des Chasseurs à pied du Colonel Driant, qui lui apprend une terrible nouvelle : son frère Emile LIEGEOIS, lieutenant d'active au 26ème R.I. de Nancy, a été tué à Xanrès (Moselle), décapité par un éclat d'obus.

Lorsque le 2ème Bataillon du 147ème R.I. à Cesse à franchi la Wiseppe, petit affluent de la Meuse, son commandant, monté sur son cheval, s'est retrouvé brutalement dans l'eau : le petit pont, fort vermoulu, avait cédé sous le poids de la monture et du cavalier. Cette histoire a été longtemps racontée au sein du Bataillon sur le thème : "les officiers à cheval, seuls les hommes vont à pieds". Auguste LIEGEOIS riait encore en racontant la chose en 1984.

Dans la nuit du 28 au 29 août, la retraite continue, par Létanne, Beaumont-en-Argonne, Grandpré, en des combats locaux d'infanterie très meurtriers.

Début septembre, c'est la bataille de la Marne. Le 147ème R.I. se trouve en position à Mesnil-lès-Hurlu. Et là, le dos contre la paroi de la tranchée, légèrement penché en avant, s'appuyant sur son fusil, le sac accroché aux épaules, Auguste LIEGEOIS a eu sa gamelle transpercée par une balle, en haut du barda de plus de 20 kg, comme en portait chaque soldat. Ceux qui étaient auprès de lui se sont mis à rire... Mais pas lui, il n'avait pas eu le temps de se rendre compte.

Jusqu'au 7 septembre, la 4ème Armée est violemment bombardée et attaquée sur tout le front et se trouve alors dans une situation critique à Massigues (La Main), Saint-Thomas-en-Argonne, Vienne-le-Château (sur la rivière de la Beaune), Vienne-la-Ville, la Placardelle, le Bois de la Gruerie, le Four de Paris, la Harazée, Lachalade (entre Varenne et Vienne-le-Ville, dans la vallée de la Biesme).

Dans le château de Lachalade, où sa Compagnie prenait un peu de repos, Auguste LIEGEOIS a eu l'occasion de feuilleter, dans la bibliothèque des seigneurs de La Gruerie, occupant précédemment les lieux, un livre sur la première croisade, dans lequel était mentionnée un LIEGEOIS, chevalier et compagnon de Godefroy de Bouillon. Livre qu'il n'a pas eu le loisir d'examiner en totalité, mais qui, plusieurs décennies après, eût peut-être bien servi ces travaux généalogiques !

Puis c'est Le Claon (5 km au nord des Islettes), Florent-en-Argonne. A ce moment-là, une poussée allemande contre la vallée de la Meuse parvient à toucher Saint-Mihiel. Les Allemands avaient pour but de tourner Verdun et ses forts par le sud-est et de ganger la vallée de l'Aire, puis d'enfermer la 3ème Armée (Général Serrail) qui protégeait la 4ème Armée sur son flanc.

Le 15 septembre, le 147ème R.I. est aux Islettes (sur la route de Sainte-Menehould à Verdun) et à Clermont-en-Argonne. Volontaire pour aller relever les patrouilleurs, Auguste LIEGEOIS est occupé à donner des renseignements à une escouade du 120ème R.I. lorsqu'arrive un obus (explosant ou pas, impossible de s'en rendre compte, il en tombe tant !). Ils sont tous violemment culbutés les uns sur les autres dans une tranchée... Et Auguste ne peut se relever : on constatera une entorse latérale interne du genou droit, avec blessure par éclat d'obus au genou droit également. On est le 18 octobre.

Evacué, il doit partir pour Nice, mais, arrivé à Lyon, il est volontaire pour être dirigé sur l'hôpital d'Autun. Après y être resté trois semaines, sans soins, il va en permission de convalescence au dépôt de Saint-Nazaire. Sa tenue militaire ne lui a pas été renouvelée et sa capote est toujours celle qui a été touchée par les éclats d'obus, les fils de fer barbelés...
Avant la fin légale de son repos, il est volontaire pour retourner au front, et cela, aimera-t-il à le rappeler, pour y recevoir 1 franc 20 par jour, dans la boue, le froid, et parmi les rats.

Il retrouve, le 4 décembre, ses hommes et ses amis, en Argonne, sur la route des Islettes à Revigny-sur-Ornain, à Triaucourt-en-Argonne plus précisément, Charmontois-le-Roi, Charmontois-l'Abbé, puis Revigny-sur-Ornain, ville à peu près complètement incendiée et détruite par les Allemands au moment de leur recul sur la Marne, Sermaize-les-Bains, Maurupt-le-Monthois (2km 5 au sud de Pargny-lès-Saulx, en arrière du canal de la Marne au Rhin), Heintz-le-Maurupt, Fauresse (à l'est de Vitry-le-François, à 11 km sur la route de l'Aizier), Vitry-le-François où, le 5 avril, il embarque sur le front de Verdun.

Et ce sera la rive droite de la Meuse, la bataille de la Woevre et des Eparges, sous la pluie et dans le brouillard...
Le 10 avril, le 147ème R.I. est à Ancemont Dieue (sur la Meuse, à 15 km au sud de Verdun) et le fort du Rozellier (sur la route de Verdun à Metz) est atteint. Ce sont alors les combats meurtriers des Eparges, puissante position fortifiée par les Allemands depuis septembre 1914.
Manheulles (toujours sur la route de Metz), Pintheville. Dans ce village, les caves servaient de cantonnement. Les Compagnies étaient groupées près de l'église et les obusiers de 240 pilonnaient sans discontinuer ce qui restait des habitations.
Riaville, Pareid. Toute cette zone découverte est balayée par les feux ennemis, sans interruption. Les corps francs de la Division s'évertuent à s'approcher de l'adversaire et à cisailler les barbelés, mais les hommes sont fauchés de front et de flanc. Il est impossible d'avancer.

Le 13 avril, Maizeray (à 27 km à l'est de Verdun, sur la route de Metz) est occupé par le 147ème R.I. Au début de la nuit, Auguste LIEGEOIS, toujours volontaire pour les patrouilles de reconnaissance, part avec le Capitaine Claire et d'autres camarades, en particulier les soldats SAVART et HUBERT (ce dernier étant originaire du Chesne, F08).
Au court d'un accrochage sévère avec les Allemands, sa patrouille a 4 tués et lui-même et fait prisonnier, à minuit. Dans le noir, au milieu des ennemis,il n'a pas pu faire demi-tour, et il est resté auprès de son Commandant de Compagnie, la reconnaissance s'étant dispersée.

Son beau-frère Albert LALOY lui avait déjà, en 1914, fait remarquer qu'il était trop souvent volontaire et qu'il devrait penser qu'il avait une femme et deux enfants, afin de ne pas provoquer l'irréparable...

Le rappel de proposition de récompense, du 1er mars 1919, porte : "le 13 avril 1915, ce jeune sous-officier, qui avait donné de nombreuses preuves de courage et d'allant au cours de missions volontaires, a fait montre de la plus grande abnégation en retant auprès de son Commandant de Compagnie, au cours d'une reconnaissance qui, exécutée de nuit, s'était dispersée".

Auguste LIEGEOIS à LandauPrisonnier, il est emmené, avec beaucoup d'autres, à Mars-la-Tour (à 25 km à l'ouest de Metz) où, embarqués dans des wagons, ils sont dirigés sur Landau.
Mis aussitôt au travail en usine contre sa volonté, il est puni de 120 jours de forteresse, pour sabotage. Il a été interné à la prison de Léopold.
La peine purgée, il est remis au travail dans une briqueterie. Il s'en évade, mais il est repris et envoyé, en représailles, au camp de Leschfelde (au sud d'Augsbourg, en Bavière). Aucun employeur ne veut accepter ces prisonniers, compte tenu de leur réputation : évadées, saboteurs, mauvaises volontés... On les appelle "les bandits de Leschfelde".
Libéré à la fin de la guerre, il est revenu en France par la Suisse. Rentré au Fort Lamotte, à Lyon, il passe pour la deuxième fois depuis sa libération à la désinfection : poux, punaises, etc.
Le 14 décembre 1918, par chemin de fer, il prend
Auguste LIEGEOIS, à Landau, en 1915

la direction de Sedan, où se trouvent sa femme et ses deux enfants Norbert et Jeannette. Ses compagnons de retour avaient été un neveu de monsieur MELLET, son voisin de la rue Tanton à Sedan, et deux artilleurs de Montmédy.

Emile LIEGEOIS, le frère aîné d'Auguste, a été inhumé à Xanrès. Il n'a jamais été transféré à Sedan, à la demande des habitants du village, parce qu'il était le premier soldat français, officier, tué pour la défense de leur pays. Il avait été décapité par un schrapnell, le 14 août 1914, pendant la bataille du Grand Couronné. Il avait 30 ans. Aujourd'hui encore, sa tombe, placée au milieu du cimetière, est toujours parfaitement entretenue par les villageois.

Albert LALOY, beau-frère d'Auguste, a été tué aux Eparges, le 21 juin 1915, après avoir été un des rares chasseurs du Colonel Draint épargné au Bois des Caures, en février de la même année. Il avait été affecté comme brancardier au 56ème Bataillon de Chasseurs à pied.
Il fut tué au cours d'un des plus terribles bombardements de 1915 aux Eparges, en allant donner secours à un blessé qui, dans sa souffrance, appelait à l'aide sa "maman". Albert n'avait pu supporter cette plainte, et malgré ses camarades qui voulaient le retenir, il sortit du trou dans lequel ils s'abritaient. Il avait rejoint l'agonisant lorsqu'un obus les atteignit tous les deux. On les retrouva morts dans les bras l'un de l'autre. Ils furent inhumés au cimetière dit "de l'Ouvrage". Par la suite, il sera transféré au cimetière national de Douaumont. Sa tombe porte le numéro 6912.
Il était musicien et brancardier. Il avait 26 ans.
Son régiment était à Etain les 24-25 août 1914, au Mort-Homme et au Bois de Cumières, le 29 septembre 1914, puis au Bois-le-Prête (à 5 km à l'ouest de Pont-à-Mousson) et aux Eparges.

Firmin CLAUDE, l'époux de sa belle-soeur Berthe LALOY, a été fait prisonnier. Envoyé travailler dans les mines de sel en Silésie, il décédera en 1924, des suites d'une silicose qu'il y a contracté.

 

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© Lucile Houdinet - 2004